TEST – Cinq ans et demi après, Hideo Kojima revient avec la suite de son jeu le plus singulier, Death Stranding. Si le cœur de ce jeu d’action-aventure en monde ouvert, unique en son genre et autoproclamé “simulateur de portage”, reste intact, cette suite multiplie les innovations ludiques pour s’affirmer comme une vraie nouvelle aventure, bien au-delà d’un simple Death Stranding 1.5. Mais ce qui marque surtout, c’est le scénario époustouflant, digne des plus grandes œuvres de la science-fiction, porté à l’écran par Norman Reedus, qui reprend son rôle de Sam “Porter” Bridges, ce livreur immortel devant cette fois unir… l’Australie, après une courte introduction mexicaine.
L’histoire débute onze mois après les événements du premier Death Stranding. Sam Porter Bridges (Norman Reedus), après avoir uni les États-Unis et fait ses adieux dans une conclusion cathartique à la Kojima, vit caché au Mexique avec Lou, sa fille adoptive (anciennement BB, ce “bébé” si particulier qu’il portait dans le premier opus). Mais son exil tranquille s’arrête brusquement quand Fragile (Lea Seydoux), la livreuse aux pouvoirs de téléportation, débarque avec une mission de la UCA : étendre leur réseau chiral jusqu’au Mexique. Sam n’accepte qu’à condition que la UCA lui “pardonne” de ne pas avoir incinéré le corps de Lou, qu’on le laisse enfin tranquille avec elle et qu’il puisse retrouver Deadman (Guillermo del Toro, qui campe à nouveau ce personnage haut en couleur du premier épisode). Deadman révèle alors l’existence d’un “plate gate” qui permet de se téléporter directement du Mexique vers l’Australie, et, surprise, Lou n’est pas BB 28 et n’a jamais été enregistrée dans la base de données de la UCA. Sam retourne à sa cachette, mais des événements dramatiques (aucun spoiler) vont bientôt l’embarquer sur le vaisseau futuriste de Fragile, le Magellan, et sur les rivages de l’Australie où l’aventure open world commence vraiment.
Kojima : maître de la narration SF
Le récit de Death Stranding 2, infusé de tout ce qui fait la patte Kojima entre science-fiction perchée et séquences surréalistes, repousse encore les limites du jeu vidéo narratif. Si vous pensiez que Kojima avait déjà atteint son sommet avec le premier Death Stranding, détrompez-vous : cette suite va encore plus loin dans les retournements de situation et la tension dramatique, preuve que le créateur japonais s’est totalement investi dans ce projet. Cela ressemble à un vrai magnum opus, l’œuvre d’un créateur qui a toujours voulu être cinéaste – et qui y parvient, grâce à des jeux de plus en plus proches de “films interactifs”.
Mais attention : rien à voir avec les films interactifs fauchés des années 90, ici le gameplay est aussi riche, travaillé et satisfaisant que les cinématiques ciselées. D’ailleurs, arrêtons-nous sur ces séquences parfois lynchiennes : elles pourraient rivaliser avec les meilleures séries SF, portées par des acteurs au sommet. Norman Reedus livre ici peut-être la prestation de sa carrière, que ce soit dans ses rares confidences à la voix grave ou ses silences lourds de désespoir et de lassitude.
Le reste du casting n’est pas en reste : Lea Seydoux explose ici ce qu’elle avait fait dans James Bond, mais la vraie révélation, c’est Troy Baker dans le rôle du méchant Higgs – difficile de croire que c’est le même acteur qui incarnait Joel dans The Last of Us ! Autant vous adoriez Joel, autant vous détesterez Higgs, tant il fait suer nos héros avec un cynisme d’anthologie. Si le sort de Joel dans The Last of Us Part II vous a brisé le cœur, dans Death Stranding 2, vous aurez juste envie de réduire Higgs en miettes – un antagoniste grotesque, repoussant mais mémorable, comme seul Kojima sait en imaginer.
Il ne faudrait pas non plus oublier les seconds rôles : outre Del Toro, on croise ici George Miller (le réalisateur de Mad Max) dans le rôle de Tarman, le commandant aux “mains de goudron” du Magellan, ou Dollman, une poupée habitée par une âme humaine (ou plutôt le “Ka”, le concept fétiche de Kojima). Dernière recrue : Luca Martinelli, qui succède à Mads Mikkelsen en super-soldat de l’au-delà, après être apparu dans The Old Guard 2 – mais Kojima le pousse ici bien plus loin.
Avec son casting quatre étoiles, ses personnages uniques et sa narration sans concession, le jeu vous tiendra en haleine jusqu’au bout. Même embourbé dans le goudron ou paumé en pleine tempête de neige, vous irez toujours de l’avant, obsédé par l’idée de percer le fin mot de cette fable noire sur l’extinction de l’humanité. Et quand le générique défile, attendez-vous à une vraie claque émotionnelle – sans oublier la scène post-générique (peut-être un clin d’œil à un futur troisième opus…)
Le porteur dans la panade
Aussi original soit-il, le gameplay de ce deuxième épisode a été peaufiné dans ses moindres détails. Oui, il faudra encore marcher pas mal au début, mais rapidement, de nouveaux véhicules bien plus futuristes feront leur apparition. Personnellement, j’ai tout fait ou presque avec mon mini-camion, même si le jeu propose des alternatives complètement barrées comme un “hoverboard-cercueil” pour traverser neige, eau ou goudron. Pour les grosses livraisons, rien ne vaut le camion !
Parmi les nouvelles options, on trouve aussi des planeurs à construire, des canons qui catapultent Sam façon baron de Münchhausen, ou carrément des sources chaudes de téléportation (oui, oui), présentées par la collègue nauséeuse de Heartman. (Typique Kojima…)
La livraison des colis fonctionne à peu près comme avant : une petite cinématique où Sam s’agenouille, dépose son chargement, puis dialogue avec des hologrammes d’abord flous puis nets après connexion au réseau chiral. Au bout d’un moment, cette routine devient un peu lassante – seuls les PNJ principaux proposent autre chose, et encore. Moins de caméos de stars cette fois (ouf !), ce qui m’a permis de rester dans l’ambiance sans être distrait comme lors de mon dernier run du premier épisode.
Quand il faut cogner…
J’avoue, je n’ai pas exploité toutes les nouveautés – j’avais trop confiance en mon camion amélioré, qu’on peut finir par équiper de mitrailleuses automatiques pour dégommer humains, robots ou entités du monde des morts.
Le système de combat a subi la plus grosse refonte. Les flemmards peuvent compter sur les tourelles embarquées, d’autres pourront tirer eux-mêmes en conduisant (mais pas avec toutes les armes). L’arsenal a été largement enrichi depuis le premier opus : j’ai adoré la mitrailleuse, et le lance-roquettes quadruple fait des merveilles contre les boss géants.
En parlant de boss : les monstres BT géants (désolé, pas de VF cette fois !) et l’affrontement contre Higgs sont plus spectaculaires, parfois un peu plus coriaces. Mais n’espérez pas un challenge à la Bloodborne : un peu de stratégie, de bon placement et un minimum d’adresse suffisent amplement.
Une claque visuelle… encore une fois
J’ai découvert le premier Death Stranding sur PS4 Pro en 2019, et la claque graphique était totale. Le Decima Engine prêté par les développeurs d’Horizon Zero Dawn avait déjà été poussé à fond, mais ici, c’est encore plus impressionnant – peut-être le plus beau jeu de la PS5. J’attends la version PC avec impatience, histoire de profiter à fond du 21:9 et de la 4K OLED.
La direction artistique ne se limite pas aux cinématiques : les paysages post-apocalyptiques, la météo surnaturelle, la modélisation des visages, tout est bluffant. Les tempêtes de neige sur les sommets, les séquences “en enfer” ou les attaques des BT sont d’un réalisme hallucinant, même si j’ai trouvé ça un poil moins créatif que les souvenirs de guerre du premier jeu.
Côté bande-son, c’est encore carton plein : Woodkid et Ludvig Forssell (déjà compositeur du premier jeu et de MGS V) signent une OST aussi envoûtante qu’indispensable à l’ambiance, d’autant que Woodkid a remplacé Low Roar après le décès de Ryan Karazija. Frissons garantis, à écouter en boucle même en dehors du jeu.
Le rivage de la mort vous attend… encore !
Pour moi, avec Clair Obscur, Death Stranding 2 est déjà le grand favori de l’année, même si le choix final reste difficile. Kojima se surpasse une fois de plus : l’ambiance est fabuleuse, le gameplay unique, et ce récit aussi torturé que bouleversant vous tiendra en haleine jusqu’au bout. Un trip total – vivement la version PC !
-Gergely Herpai “BadSector”-
Points forts :
+ Un scénario de science-fiction incroyablement original
+ Cinématiques et jeu d’acteur de niveau cinématographique
+ Gameplay plus raffiné et varié
Points faibles :
– Les livraisons peuvent devenir répétitives
– Quelques passages trop surréalistes ou au rythme lent
– Ce style très particulier ne plaira pas à tout le monde
Développeur : Kojima Productions
Éditeur : Sony Interactive Entertainment
Genre : Action-aventure SF, monde ouvert
Date de sortie : 26 juin 2025 (PS5)
Death Stranding 2: On the Beach
Jouabilité - 9.6
Graphismes - 9.8
Histoire - 9.4
Musique/Audio - 9.4
Ambiance - 9.8
9.6
CHEF-D'ŒUVRE
Death Stranding 2 est une suite à la hauteur, Kojima repoussant encore les frontières de l’expérience vidéoludique. Son ambiance unique, ses graphismes renversants et son scénario digne d’un grand film imposent un nouveau standard. Un jeu qui divisera, mais qui marquera pour longtemps ceux qui oseront s’y plonger.