CRITIQUE DE LA SÉRIE – La nouvelle série de Netflix n’est pas qu’une adaptation ambitieuse d’une bande dessinée culte : c’est un cauchemar apocalyptique lent et oppressant, où chaque flocon devient une arme fatale.
Les récits post-apocalyptiques occupent une place de plus en plus centrale dans la culture pop contemporaine. Sans qu’on soit encore dans la saturation, des séries majeures comme The Last of Us, Silo ou Fallout démontrent clairement que la science-fiction sombre connaît un nouvel âge d’or. Et ce ne sont pas seulement les plateformes et les studios qui s’y engagent : le public suit, et la critique est souvent enthousiaste.
Ces récits s’inspirent souvent d’autres médias – romans, jeux vidéo, et ici, bande dessinée. L’Éternaute (El Eternauta), réalisé par Bruno Stagnaro et coécrit avec Ariel Staltari, s’inscrit dans cette tendance. Adaptée d’une œuvre culte publiée en 1957, signée par l’écrivain Héctor G. Oesterheld et le dessinateur Francisco Solano López, la série tient parfaitement debout, même pour ceux qui ignorent tout de l’original. Ce thriller apocalyptique à l’ambiance pesante fascine autant qu’il angoisse, et même si le rythme est parfois lent, la série sait parfaitement quand frapper fort pour nous garder accrochés.
De quoi parle L’Éternaute ?
Tout commence un soir d’été apparemment ordinaire à Buenos Aires. Un groupe d’amis de longue date – dont Juan Salvo (interprété par Ricardo Darín) – se retrouve autour d’une partie de cartes et de quelques verres. Pendant ce temps, des jeunes femmes s’embarquent pour une croisière nocturne, tandis que d’autres vaquent à leurs occupations quotidiennes. Mais soudain, l’électricité s’éteint dans toute la ville. Et il commence à neiger. Une neige étrange, qui devient rapidement terrifiante : les flocons sont mortels. Le moindre contact avec la peau provoque la mort immédiate.
Confinés chez eux, les survivants – parmi lesquels Salvo – se retrouvent totalement isolés, sans électricité ni moyens de communication. Téléphones, voitures, tout est hors service. Pour rester en vie, il ne suffit pas de se cacher : il faut retrouver ses proches et forger des alliances. Mais très vite, une vérité plus sombre émerge : la neige n’est pas la seule menace. Peut-être que le vrai danger vient de ceux qui nous entourent. Entre combinaisons de fortune et sorties désespérées dans la neige tueuse, la série met en lumière une angoisse de plus en plus palpable, celle d’une humanité désarmée face à l’impensable.
Un cauchemar blanc – Netflix transforme la neige en piège mortel
Au premier abord, L’Éternaute semble étonnamment banal – et c’est bien intentionnel. Alors que la bande dessinée se déroulait dans les années 1950, cette adaptation transporte l’intrigue dans un Buenos Aires contemporain. Ce changement donne au récit une résonance nouvelle : isolement, invasion étrangère, peur de l’inconnu – tout cela devient d’autant plus puissant dans un cadre familier. Le spectateur se sent en sécurité… jusqu’à ce que la neige transforme cette réalité en cauchemar. Qui n’a jamais accueilli un ami à l’aéroport, sans se douter que le monde avait changé en son absence ?
Dès les premières chutes de neige fatales, la série déploie toute sa puissance visuelle. Le directeur de la photographie Gastón Girod, épaulé par les superviseurs des effets spéciaux Pablo Accame et Ignacio Pol, crée un univers visuel glaçant. La ville ensevelie n’est plus un décor paisible mais une prison glacée. Un simple flocon sur une veste suffit à faire monter l’angoisse. Les cadavres s’accumulent dans les rues, lentement recouverts, tandis que les survivants halètent derrière leurs masques – une mise en scène saisissante, entre horreur et beauté froide. Une métropole vibrante devient un cercueil à ciel ouvert, où sortir, c’est mourir.
L’homme est un loup pour l’homme – et la neige n’est que le début
Certes, quelques scènes d’action ponctuent l’intrigue, mais L’Éternaute n’est pas une série apocalyptique classique, rythmée par des explosions et des poursuites. C’est un drame centré sur les personnages, leurs dilemmes moraux et leurs liens fragiles, dans un rythme volontairement lent. Même les amateurs aguerris du genre devront s’armer de patience – surtout s’ils ne connaissent pas le matériau d’origine. Mais à chaque fois que l’intrigue semble s’enliser, un rebondissement inattendu relance la tension et donne envie de voir l’épisode suivant. Les dangers se multiplient autour de Salvo et des siens – et la neige n’est qu’un prélude. La confiance s’effrite, la survie devient un combat sans merci. L’apocalypse prend un visage humain.
Netflix a mis les six épisodes à disposition des critiques, tout en leur interdisant formellement de divulguer des éléments clés – et l’on comprend pourquoi. Un récit d’une telle ampleur ne peut être raconté qu’en format sérialisé, à l’image de la bande dessinée originale publiée par épisodes. Le mieux, c’est d’y plonger sans trop en savoir. Ricardo Darín est remarquable dans le rôle de Juan Salvo – incarnant à la fois la force et la vulnérabilité. L’ambiance, la mise en scène, et les subtils rebondissements narratifs font de cette adaptation une œuvre fidèle… voire supérieure à l’originale.
– « Gergely Herpai alias BadSector » –
L'Éternaute
Direction - 7.4
Acteurs - 7.8
Histoire - 7.6
Visuels/Musique/Sons - 7.2
Ambiance - 7.4
7.5
BON
L'Éternaute ne cherche pas à aller vite – il prend son temps pour nous enserrer. Le parcours désespéré de survivants dans une tempête mortelle est aussi humain que glaçant. Netflix signe ici une nouvelle incursion marquante dans l’univers de la fin du monde.