Exterritorial – Le rêve américain qui vire au cauchemar

CRITIQUE CINÉMA – Dans Exterritorial de Netflix, les Américains apparaissent non pas comme des sauveurs, mais comme des alliés perfides, des trafiquants de drogue véreux et des bureaucrates implacables – enlevant des enfants et des réfugiés biélorusses, vendant des informations confidentielles à des ennemis communs, et s’acharnant à faire taire une femme allemande piégée dans leur toile. Tout cela sous l’uniforme étoilé, au nom d’un patriotisme dévoyé.

 

Pour être franc, les films d’action me laissent souvent de marbre. Trop souvent, les motivations des personnages sont interchangeables, les enjeux artificiels, et les confrontations physiques finissent par devenir mécaniques. Mais lorsqu’un film parvient à insuffler un véritable moteur émotionnel à ses séquences musclées — une tension qui vibre au rythme des percussions, une cause sincère à défendre — alors le spectacle devient cinéma. Les productions centrées sur une héroïne tombent hélas souvent dans deux catégories : le devoir familial ou la vengeance après une agression. Exterritorial opte pour la première : Sara, ex-soldate de la Bundeswehr, se lance à l’assaut du consulat américain de Francfort pour retrouver son fils disparu. Marquée par un syndrome de stress post-traumatique, elle comprend vite qu’elle est seule contre tous dans ce huis clos étouffant.

 

 

Des scènes d’action maîtrisées

 

Si l’on s’en tient à l’aspect purement physique, Exterritorial tient ses promesses. Les amateurs de protagonistes féminines musclées seront servis : combats dans les douches, fuites acrobatiques par les fenêtres, tout y est. La mise en scène est nerveuse, les chorégraphies bien exécutées. Mais au-delà de ces morceaux de bravoure, le film peine à convaincre. L’intrigue se déroule presque intégralement entre les murs du consulat américain — un cadre qui aurait pu devenir un personnage à part entière, mais qui se résume ici à un dédale de portes closes et de couloirs impersonnels. On se croirait plus dans une carte de jeu vidéo que dans une véritable représentation diplomatique. Hollywood nous apprend donc que les ambassades servent aussi de repaires pour criminels et de zones de trafic. Pourquoi pas.

La tension dramatique repose trop souvent sur une bande-son envahissante, plutôt que sur une construction narrative solide. Le concept de base est fragile : une énième déclinaison de ce que les plateformes appellent aujourd’hui « thriller d’action à la Netflix » — une esthétique soignée, mais un fond creux. Faute de véritable substance, les scènes d’action perdent en intensité. Et si certains films assument leur statut de divertissement pur, celui-ci hésite constamment entre sérieux et légèreté, sans jamais trouver l’équilibre. Ce flou artistique finit par le desservir sur tous les plans.

 

 

Une interprétation solide, des personnages secondaires sacrifiés

 

Jeanne Goursaud incarne Sara avec une conviction physique et émotionnelle remarquable. Dès sa première apparition, en sueur et tendue, elle impose sa présence. Son jeu est précis, crédible, et elle assure dans les séquences d’action avec aplomb. Dougray Scott campe un Erik correct, même si sa moustache et son allure rigide frôlent parfois le cliché. Leurs interactions, notamment autour de la parentalité, apportent un supplément d’âme bienvenu. On regrette toutefois que le personnage d’Erik ne soit pas plus développé — il aurait mérité davantage d’espace avant que le récit ne s’emballe. Le film reste focalisé sur Sara, et les autres protagonistes s’en trouvent relégués à l’arrière-plan.

Lera Abova, dans le rôle d’Irina, hérite elle aussi d’un personnage prometteur mais sous-exploité. Sa présence est marquante, mais elle reste cantonnée à quelques apparitions sans réelle consistance. Une alliance plus marquée entre Irina et Sara dans la deuxième partie aurait pu apporter un souffle nouveau à l’ensemble. Tourné en Allemagne, le film alterne entre l’allemand et l’anglais, ce qui lui confère une certaine singularité — à condition de le voir en version originale. En version doublée, cette richesse linguistique s’efface, et le film perd l’un de ses rares éléments distinctifs, devenant un produit d’action interchangeable.

Soyons clairs : Exterritorial n’est pas un mauvais film. Mais il n’est pas bon non plus. Son principal défaut ? La paresse. Le potentiel était là — un thriller nerveux dans un décor confiné — mais l’exécution manque d’ambition. On reconnaît des archétypes usés, des arcs narratifs prévisibles, et un final cousu de fil blanc. À aucun moment on ne tremble pour Sara et Irina lorsqu’elles cherchent à s’échapper. On sait qu’elles s’en sortiront. Le vrai enjeu aurait été de nous faire croire le contraire. Et c’est précisément ce que le film ne parvient jamais à faire.

 

 

Un film fonctionnel, vite oublié

 

Exterritorial n’est pas une catastrophe. Il est même proprement réalisé. Mais il laisse peu de traces. Le rythme est acceptable, mais les événements trop clairsemés pour tenir la durée. Le film n’est pas prévisible dans le sens traditionnel du terme, mais il est tellement balisé qu’on en devine chaque tournant. Il s’apparente à un produit standardisé : calibré, sans surprise, et aussitôt consommé, aussitôt oublié.

Si vous êtes prêt à tolérer quelques incohérences et que vous cherchez simplement un divertissement efficace dans un décor unique, Exterritorial pourra faire l’affaire. En revanche, si vous espériez un récit original, des retournements marquants ou une vraie tension dramatique, vous risquez d’en ressortir frustré. Une scène en particulier, vers la fin, atteint un tel niveau d’absurdité qu’elle brise l’immersion — sans pour autant saborder entièrement l’expérience.

– Gergely Herpai « BadSector » –

Exterritorial

Direction - 5.6
Acteurs - 6.8
Histoire - 5.8
Visuels/Musique/Sons/Action - 6.2
Ambiance - 6.4

6.2

CORREKT

Exterritorial est un film d’action moyen, porté par une actrice principale investie mais alourdi par des personnages secondaires négligés. Le concept avait du potentiel, mais l’exécution reste trop timorée. Regardable, mais dispensable.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)