CRITIQUE DE FILM – Une nouvelle planète, les mêmes vieux cauchemars : Ash est un remix visuellement éblouissant mais scénaristiquement creux des codes d’Alien par Flying Lotus. Eiza González incarne la seule survivante d’un massacre interstellaire dans un film qui expose ses idées les plus audacieuses à travers un feu d’artifice visuel, plutôt que par une intrigue recyclée. Nous avons vu Ash sur Amazon Prime.
Le terme « hallucinant » est souvent galvaudé lorsqu’il s’agit de science-fiction, mais dans le cas de Ash, il prend tout son sens. Si le scénario est à peine cohérent, le film s’ouvre sur une séquence inoubliable : une galaxie de chaos tourbillonne dans l’esprit d’une astronaute, avant que la caméra ne recule à travers sa pupille pour révéler le visage paniqué de Riya Ortiz (Eiza González). Viennent ensuite des plans-chocs montrant chaque membre de l’équipage avec la tête broyée ou éclatée comme une pastèque trop mûre.
Comment sont-ils morts ? De la pire manière qui soit. Et quelque 90 minutes plus tard, une dernière image, dissimulée au milieu du générique, vient retourner le couteau dans la plaie. Entre ces deux extrêmes, Ash reste étonnamment classique, surtout de la part du réalisateur de Kuso et du segment Ozzy’s Dungeon dans V/H/S/99. Il signe ici un hommage stylisé aux films d’horreur extraterrestres à la sauce giallo, d’Alien à Event Horizon, avec une menace alien certes spectaculaire, mais rarement logique.
Visuels tranchants et pommettes acérées
Les images du film sont de véritables projectiles : coupantes, agressives et prêtes à vous hanter dans vos cauchemars. Riya, incarnée par González, est aussi centrale visuellement que narrativement, son visage plus acéré que les instruments qu’elle manie pour survivre (couteau de boucher, scalpel, ciseaux à bonsaï). Elle se réveille avec une entaille au front et sans souvenirs, et découvre rapidement les cadavres mutilés de Kevin (Beulah Koale), Adhi (Iko Uwais) et Davis (joué par Flying Lotus lui-même).
Alors qu’elle tente de comprendre ce qui s’est passé, l’ordinateur de bord émet des alertes inquiétantes en anglais – pendant que le robot chirurgical, lui, s’exprime uniquement en japonais. Brion (Aaron Paul) fait alors son apparition, affirmant contacter le vaisseau depuis une station proche. Pendant ce temps, Clarke (Kate Elliott), le seul personnage désigné par son nom de famille, reste introuvable – donc c’est forcément elle la coupable, non ? Si vous y croyez, ou si cela vous intéresse, vous êtes dans la mauvaise salle. Ash est moins un film qu’un train fantôme spatial, où les jumpscares se succèdent au rythme imposé par Flying Lotus, aux platines de l’angoisse.
Images, sons et effets-chocs
Sur le tournage, FlyLo diffusait de la musique pour créer une ambiance. Mais même si le film ressemble à un concept album visuel, sa bande-son est décevante : pulsations mécaniques et bruit industriel trop brut pour danser, loin du raffinement d’un RZA. Néanmoins, ce décalage entre la musique, le montage acéré de Bryan Shaw et les flashs stroboscopiques crée une véritable tempête sensorielle.
À plusieurs reprises, le réalisateur nous surprend avec des coupes abruptes vers des cadavres hurlants – déformés, ensanglantés, grotesques. Ce sont des créatures que l’on aimerait examiner image par image, mais ici, elles frappent comme des gifles visuelles. La première fois, on a l’impression de recevoir un manuel d’anatomie en pleine figure pendant le petit-déjeuner. Mais une fois le schéma compris, l’effet s’émousse.
Des idées recyclées au filtre psychédélique
Flying Lotus ne cherche pas à réinventer le genre : il le remixe. Ash s’inscrit dans cette tradition du film de science-fiction qui critique l’impérialisme humain : que se passe-t-il quand nous rencontrons une entité que nous ne pouvons pas dominer ? Le scénariste Jonni Remmler coche toutes les cases, avec des répliques du genre : « Vous et votre espèce êtes condamnés à l’autodestruction. » On a connu plus subtil.
Ces clichés ont déjà été usés jusqu’à la corde et n’ont jamais changé le comportement du public (qui continue de laisser ses déchets sous les sièges). Mais Flying Lotus dispose d’une arme secrète : Richard Bluck, directeur de la photographie habitué aux blockbusters, transforme Ash en un spectacle grand écran. La planète Ash – car oui, tout se passe sur elle – est une étendue volcanique et minérale où les explorateurs, entrevus en flashback, contemplent une beauté austère. Il existait des moyens plus philosophiques pour traiter de ces thèmes – comme dans 2001 : L’Odyssée de l’espace ou Solaris – mais ici, Flying Lotus préfère l’esthétique frontale et sensorielle, héritée de The Thing.
Un alien décevant, mais une virée saisissante
Quand la créature se dévoile enfin, c’est l’un des effets les moins convaincants du film. Pourtant, cela colle à l’esthétique du cauchemar éveillé qui innerve tout le long-métrage : Riya sous une pluie de cendres, des intérieurs baignés de lumière indigo et rouge, un typhon surgissant d’un puits de forage, une extraction crânienne d’un parasite angoissante à souhait. Cette dernière image ? Une métaphore parfaite du film. Laissez votre cerveau à l’entrée, et le voyage en vaut la peine.
– Gergely Herpai “BadSector” –
Ash
Direction - 6.4
Acteurs - 6.8
Histoire - 6.5
Visuels/Musique/Sons/Action - 7.6
Ambiance - 6.6
6.8
CORREKT
Ash est une agression visuelle hypnotique qui privilégie la forme au fond, mais parvient tout de même à captiver. Eiza González irradie à l’écran, même si le scénario reste en retrait face à l’ambition esthétique. Un cauchemar spatial signé Flying Lotus, à vivre intensément – sans en attendre de réponses.