Ubisoft traverse l’une des périodes les plus critiques de son histoire. Et bien que les rumeurs d’un possible rachat refassent surface, ce ne serait pas la première fois que l’éditeur français se retrouve au bord d’une acquisition forcée. Il y a quelques années, Vivendi était à deux doigts de prendre le contrôle complet de la société.
Avec les résultats décevants de Star Wars Outlaws, l’annulation de XDefiant et l’effondrement de son cours en Bourse, Ubisoft est de nouveau sous les projecteurs. Yves Guillemot, PDG de l’entreprise, a admis que plusieurs options étaient à l’étude pour valoriser au mieux les actifs du groupe. Mais ce type de menace n’est pas une nouveauté : entre 2015 et 2018, le géant Vivendi a tenté une OPA hostile qui aurait pu faire basculer l’avenir d’Ubisoft.
À cette époque, Vivendi, société alors associée à Activision Blizzard, avait entamé une montée progressive au capital d’Ubisoft. Cette stratégie inquiétante avait toutes les caractéristiques d’une tentative de rachat non sollicité. Face à la pression, Guillemot a utilisé la scène de l’E3 2016 pour défendre publiquement l’indépendance créative de son entreprise. Le moment où toute l’équipe Ubisoft est montée sur scène reste un symbole fort dans l’histoire du jeu vidéo.
Vivendi : un rachat avorté qui a marqué l’industrie
Un rachat hostile désigne une offre publique d’achat lancée sans l’accord des dirigeants de l’entreprise ciblée. En France, la loi exige qu’un actionnaire détienne 30 % du capital pour initier une telle procédure – un seuil que Vivendi approchait dangereusement.
Tout commence en 2015, lorsque Vivendi dépense 140,3 millions de dollars pour acquérir 6,6 % d’Ubisoft. En 2016, le groupe rachète 30 % de Gameloft – entreprise dirigée par Michel Guillemot, frère d’Yves – puis porte sa participation à 70 %. Le message est clair : Ubisoft pourrait être la prochaine cible. Dans un e-mail interne, Guillemot qualifie la manœuvre de “non sollicitée et indésirable”.
Lors de l’E3 2016, Ubisoft ne se contente pas de présenter Watch Dogs 2, Ghost Recon Wildlands et Steep. En fin de conférence, l’ensemble des équipes monte sur scène pour former un front uni face à Vivendi. Un discours puissant en faveur de la liberté créative clôt l’événement.
“Je tiens à remercier tous les studios Ubisoft pour leur passion et leur créativité. Je remercie aussi les joueurs, car c’est grâce à vous que nous sommes là. Vous nous poussez à nous dépasser chaque jour. Ubisoft fête ses 30 ans cette année. Trente ans dans la plus belle industrie du monde. J’aime les jeux vidéo parce que l’innovation naît de la liberté : liberté de créer, d’innover, de s’exprimer et de prendre des risques. C’est ce qui nous a portés jusqu’ici, et ce qui nous portera encore pendant les 30 prochaines années. Quand on est libre, l’échec n’existe pas, seul le futur compte.”
Un accord à 2 milliards qui a repoussé la menace… temporairement
Malgré cette résistance, Vivendi poursuit sa montée au capital et atteint 27,3 %, frôlant la barre des 30 %. Après la séparation avec Activision Blizzard en 2013, Vivendi cherchait un nouveau poids lourd du jeu vidéo à intégrer – Ubisoft semblait tout désigné.
Mais en 2018, tout bascule : Ubisoft et Vivendi concluent un accord. Le groupe télécom accepte de vendre l’ensemble de ses actions pour 2 milliards de dollars. La majorité revient à Guillemot Brothers SE, mais l’Ontario Teachers’ Pension Plan obtient 3,4 % et Tencent 5 %. Vivendi, qui avait investi 750 millions au total, réalise un bénéfice considérable.
Ubisoft reste donc indépendante – mais pour combien de temps encore ? Depuis, la société a enchaîné les revers. Sa réputation s’est ternie et elle ne bénéficie plus de l’aura de victime d’autrefois. Aujourd’hui, beaucoup estiment qu’Ubisoft récolte les fruits de ses propres erreurs. L’histoire l’a prouvé : tout peut basculer du jour au lendemain. Et l’éditeur français marche une nouvelle fois sur la corde raide.
Source: 3djuegos