CRITIQUE DE SÉRIE – Xavier Collins, agent des services secrets, se retrouve plongé dans un labyrinthe de secrets et de complots après l’assassinat du président américain Cal Bradford (James Marsden). Portée par l’acteur nommé aux Oscars Sterling K. Brown (American Fiction), la série mélange action et drame, offrant à Brown l’occasion de déployer à la fois son charisme naturel et son potentiel en tant que héros d’action.
Pourtant, Bradford ne meurt ni à la Maison-Blanche, ni même à Washington D.C. Lui et Collins vivent à Paradise, une communauté en apparence idyllique de 25 000 habitants qui ressemble étrangement à la Californie du Sud – où la série a été tournée – mais qui dégage une impression différente, presque irréelle. Ici, les habitants utilisent des bracelets technologiques pour effectuer leurs paiements et sécuriser leurs accès. Les armes à feu sont inexistantes, même pour les forces de l’ordre. Des canaux bordés de maisons élégantes ajoutent à l’illusion d’une utopie… mais tout n’est pas aussi parfait qu’il y paraît.
Une ville aux mystères bien gardés
La véritable nature de Paradise – soigneusement tenue secrète – n’est que la première des nombreuses révélations qui jalonnent le récit. Alors que les trois premiers épisodes sont diffusés d’un coup pour satisfaire les amateurs de binge-watching, les suivants arriveront au compte-gouttes chaque semaine, maintenant une tension constante et un sentiment de suspense continu. Entre les retournements de situation et les révélations progressives, Paradise se transforme rapidement en un thriller addictif. La série repose en grande partie sur ses mystères, au point que même les critiques ont choisi de respecter l’embargo et de ne pas divulguer les grandes surprises.
Comme on pouvait s’y attendre avec Dan Fogelman (This Is Us), Paradise ne s’attarde pas sur les détails logistiques de l’expérience sociale qu’elle dépeint. L’accent est mis sur les trajectoires individuelles et les émotions des personnages. À tel point que, bien que classée comme une série de science-fiction, Paradise ne donne pas réellement cette impression. L’ensemble oscille entre drame politique, thriller et récit d’anticipation, créant un hybride narratif atypique mais convaincant.
Des souvenirs enfouis et une enquête haletante
Paradise alterne entre deux temporalités : l’enquête contemporaine sur l’assassinat de Bradford et des flashbacks révélant le passé des personnages avant leur arrivée dans cette ville énigmatique. Collins, veuf et père célibataire, contraste fortement avec Bradford, un héritier du pouvoir politique qui joue le rôle du leader sans en avoir réellement la carrure. Leur relation, teintée de rivalité et de méfiance, constitue l’un des principaux moteurs dramatiques de la série.
James Marsden, qui s’est illustré dans Westworld et Jury Duty, a su transformer son image de « beau gosse lisse » en un outil narratif redoutable. Il exploite ici cette dualité à la perfection, conférant à Bradford un mélange de charisme et de fragilité sous-jacente.
Pendant ce temps, les habitants de Paradise ne se contentent pas de gérer les conséquences de l’assassinat présidentiel. Ils sont aussi confrontés à des préoccupations plus terre-à-terre : amour, deuil, vieillissement des parents… autant d’intrigues parallèles qui viennent enrichir la trame principale. L’une des figures centrales du récit est Samantha Redmond (Julianne Nicholson – Mare of Easttown, Janet Planet), une milliardaire de la tech qui exerce une influence troublante sur le destin de Paradise. Mais derrière cette figure de pouvoir se cache aussi une mère et une épouse prête à tout pour protéger sa famille. Une scène où elle fait ses courses avec ses enfants peut sembler peu crédible – une femme de son statut irait-elle vraiment elle-même au supermarché ? – mais elle illustre bien la volonté des créateurs de rendre ces personnages humains et nuancés.
Quant aux collègues agents de Collins, Billy (Jon Beavers) et Jane (Nicole Brydon Bloom), ils paraissent bien plus préoccupés par leur liaison secrète que par la résolution de l’affaire. Cet aspect plus léger du récit contraste avec le sérieux des enjeux, mais il confère à la série une dimension plus humaine, parfois teintée d’humour.
Une montée en tension maîtrisée
Ce qui fait la force de Paradise, ce sont avant tout ses performances d’acteurs. Julianne Nicholson, dont la justesse a marqué Mare of Easttown et Janet Planet, incarne ici un personnage d’une complexité fascinante, évoluant d’une autorité discrète à une domination presque tyrannique au fil des épisodes. Sterling K. Brown, quant à lui, continue d’exceller dans des rôles alliant intensité dramatique et vulnérabilité. James Marsden livre une prestation nuancée, évitant les clichés d’un personnage qui aurait pu être plus caricatural.
Alors que la saison progresse, la tension s’intensifie inévitablement. Les critiques n’ont pas eu accès au dernier épisode à l’avance, mais la construction narrative laisse penser à une conclusion explosive et à une suite déjà bien envisagée. Le nombre d’intrigues non résolues témoigne du fait que Paradise a été pensé comme une histoire en plusieurs saisons. Contrairement à Silo sur Apple TV+, qui s’appuie sur un world-building dense, cette série mise avant tout sur les relations humaines et les dilemmes personnels de ses protagonistes. Mais une fois les personnages en mouvement, il devient difficile de ne pas les suivre.
-Gergely Herpai „BadSector”-
Paradise
Direction - 8.2
Acteurs - 8.3
Histoire - 8.4
Visuels/Musique/Sons/Action - 8.1
Ambiance - 8.4
8.3
EXCELLENT
Paradise est un thriller captivant qui privilégie l’humain au spectaculaire. Si ses éléments de science-fiction restent en retrait, la puissance des interprétations et la montée en tension habilement dosée en font une série hautement addictive. Reste à voir si les saisons à venir répondront aux nombreuses questions encore en suspens.