{"id":99694,"date":"2025-01-10T22:26:05","date_gmt":"2025-01-10T21:26:05","guid":{"rendered":"https:\/\/thegeek.site\/?p=99694"},"modified":"2025-01-10T22:27:50","modified_gmt":"2025-01-10T21:27:50","slug":"le-brutaliste-architecture-ambition-et-tragedies-humaines-profondes","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/thegeek.site\/2025\/01\/10\/le-brutaliste-architecture-ambition-et-tragedies-humaines-profondes\/","title":{"rendered":"Le Brutaliste \u2013 Architecture, ambition et trag\u00e9dies humaines profondes"},"content":{"rendered":"
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Si vous ne deviez voir qu\u2019un seul film cette ann\u00e9e, une fresque audacieusement all\u00e9gorique sur un architecte cherchant \u00e0 fa\u00e7onner l\u2019avenir, alors choisissez Le Brutaliste<\/em>. Pour le dire simplement : mieux vaut opter pour Le Brutaliste<\/em> que pour Megalopolis<\/em> de Francis Ford Coppola. Si le film de Coppola commence avec promesse, il sombre apr\u00e8s environ une heure dans une errance sans but. Comment Coppola, ma\u00eetre du classicisme du Nouvel Hollywood, a-t-il pu croire qu\u2019il deviendrait un avant-gardiste r\u00e9volutionnaire ? Finalement, Megalopolis<\/em> n\u2019est qu\u2019un amas d\u2019\u00e9clats \u00e9tincelants.<\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n Avec Le Brutaliste<\/em>, Brady Corbet adopte une approche radicalement diff\u00e9rente. Ses deux premiers films, l\u2019all\u00e9gorie fasciste The Childhood of a Leader<\/em> (2015) et l\u2019analyse sombre de la pop-culture Vox Lux<\/em> (2018), bien qu\u2019int\u00e9ressants, se perdaient parfois dans des exc\u00e8s d\u2019autocomplaisance. \u00c0 l\u2019inverse, Le Brutaliste<\/em> est une \u0153uvre plus ma\u00eetris\u00e9e et subtile, tout en restant \u00e9blouissante. Ce film de trois heures et quinze minutes maintient un rythme soutenu et une profondeur \u00e9motionnelle, retra\u00e7ant la vie de L\u00e1szl\u00f3 T\u00f3th (Adrien Brody), un architecte juif hongrois qui \u00e9migre en Am\u00e9rique apr\u00e8s la Seconde Guerre mondiale. Corbet aborde ce r\u00e9cit avec le s\u00e9rieux d\u2019un drame biographique.<\/p>\n Si le nom de L\u00e1szl\u00f3 vous semble familier, ce n\u2019est pas un hasard : il \u00e9voque celui d\u2019un g\u00e9ologue australien d\u2019origine hongroise, tristement c\u00e9l\u00e8bre pour avoir attaqu\u00e9 la Piet\u00e0<\/em> de Michel-Ange avec un marteau en 1972. Bien que ce choix puisse sembler anecdotique, il rec\u00e8le une symbolique plus profonde, soulignant le lien indissociable entre cr\u00e9ation et destruction. Un cr\u00e9ateur de g\u00e9nie, en un sens, est toujours aussi un destructeur.<\/p>\n Je n\u2019ai jamais \u00e9t\u00e9 particuli\u00e8rement impressionn\u00e9 par la performance oscaris\u00e9e d\u2019Adrien Brody dans Le Pianiste<\/em>. Il semblait traverser le r\u00f4le sans intensit\u00e9, et le film lui-m\u00eame manquait d\u2019impact. Mais dans Le Brutaliste<\/em>, Brody incarne un autre survivant de l\u2019Holocauste \u2014 L\u00e1szl\u00f3 d\u00e9barque \u00e0 Ellis Island pour tenter de reconstruire sa vie en Am\u00e9rique. Cette fois-ci, son interpr\u00e9tation est profond\u00e9ment \u00e9mouvante, m\u00eame dans les moments les plus silencieux, impr\u00e9gn\u00e9e d\u2019une intensit\u00e9 remarquable.<\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n D\u00e8s ses d\u00e9buts, L\u00e1szl\u00f3 se pr\u00e9sente comme une figure presque invisible : un r\u00e9fugi\u00e9 d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9 marqu\u00e9 par son accent prononc\u00e9 et son comportement prudent. Pourtant, d\u00e8s les premi\u00e8res minutes, Corbet \u00e9tablit que son r\u00e9cit d\u00e9passe de loin les r\u00e9cits d\u2019immigration traditionnels. Une prise de vue lat\u00e9rale impressionnante de la Statue de la Libert\u00e9 montre L\u00e1szl\u00f3 quittant l\u2019obscurit\u00e9 confin\u00e9e du bateau. Ce qui suit est une sc\u00e8ne de sexe brutale, non choquante par la pr\u00e9sence d\u2019une prostitu\u00e9e, mais par la repr\u00e9sentation crue et implacable de Corbet. \u00ab Ton visage est laid \u00bb, d\u00e9clare la femme. \u00ab Je le sais \u00bb, r\u00e9pond L\u00e1szl\u00f3, r\u00e9sign\u00e9. Cette rencontre r\u00e9v\u00e8le une vitalit\u00e9 enfouie et une facette plus sombre de sa personnalit\u00e9.<\/p>\n Pendant son voyage, L\u00e1szl\u00f3 s\u2019est fractur\u00e9 le nez et a utilis\u00e9 de l\u2019h\u00e9ro\u00efne pour calmer la douleur \u2014 une habitude qu\u2019il conserve discr\u00e8tement tout au long de sa vie. Cette tendance \u00e0 l\u2019autodestruction d\u00e9voile une profondeur psychologique qui ancre \u00e0 la fois ses ambitions et ses trag\u00e9dies personnelles.<\/p>\n Arriv\u00e9 en Pennsylvanie, L\u00e1szl\u00f3 trouve refuge chez son cousin Attila (Alessandro Nivola), un menuisier charismatique qui fabrique des meubles sur mesure. Attila lui offre une chambre \u00e0 l\u2019arri\u00e8re de son atelier, cr\u00e9ant ainsi une illusion de foyer avec sa femme Audrey (Emma Laird), d\u2019origine WASP. Mais Audrey devient rapidement le premier signe annonciateur de trahison, pr\u00e9sageant des tensions \u00e0 venir.<\/p>\n Peu apr\u00e8s, L\u00e1szl\u00f3 re\u00e7oit une commande inattendue : Harry Lee (Joe Alwyn), fils d\u2019un riche industriel local, souhaite transformer l\u2019ancienne biblioth\u00e8que de son p\u00e8re en une salle de lecture moderne, en guise de cadeau surprise. Ce projet est confi\u00e9 \u00e0 L\u00e1szl\u00f3. \u00c0 ce stade, peu d\u2019\u00e9l\u00e9ments sur son pass\u00e9 sont r\u00e9v\u00e9l\u00e9s, mais la biblioth\u00e8que qu\u2019il con\u00e7oit \u2014 avec des \u00e9tag\u00e8res dissimul\u00e9es, des lames diagonales mobiles, un puits de lumi\u00e8re \u00e9clatant et un fauteuil central digne de Mies van der Rohe \u2014 incarne une vision architecturale audacieuse.<\/p>\n Lorsque le p\u00e8re de Harry, Harrison Lee Van Buren (Guy Pearce), d\u00e9couvre ce qui a \u00e9t\u00e9 fait \u00e0 sa biblioth\u00e8que bien-aim\u00e9e, il explose de col\u00e8re. L\u00e1szl\u00f3 et Attila sont chass\u00e9s sans \u00eatre int\u00e9gralement pay\u00e9s. Plus tard, il devient clair que la col\u00e8re de Van Buren est li\u00e9e \u00e0 son besoin de contr\u00f4le et \u00e0 la maladie de sa m\u00e8re mourante. Cependant, la biblioth\u00e8que devient un jalon du design moderne, faisant l\u2019objet d\u2019un article dans le magazine Look<\/em>. Peu apr\u00e8s, Van Buren propose une collaboration \u00e0 L\u00e1szl\u00f3 : concevoir un b\u00e2timent r\u00e9volutionnaire, une \u0153uvre qui d\u00e9finira l\u2019avenir.<\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n Guy Pearce brille dans le r\u00f4le de Van Buren, livrant une performance parmi les plus marquantes de sa carri\u00e8re. Avec ses cheveux ondul\u00e9s, sa moustache imposante et sa voix retentissante, il \u00e9voque un m\u00e9lange de Clark Gable et de Charles Foster Kane. La relation entre L\u00e1szl\u00f3 et Van Buren est complexe : artiste et m\u00e9c\u00e8ne, immigrant et aristocrate, subordonn\u00e9 et exploiteur. Mais leur lien \u00e9volue vers quelque chose de bien plus sombre. \u00ab Vous \u00eates intellectuellement stimulant \u00bb, d\u00e9clare Van Buren, fixant un regard troublant sur L\u00e1szl\u00f3. Rarement un compliment n\u2019a sembl\u00e9 aussi inqui\u00e9tant.<\/p>\n Bien que Le Brutaliste<\/em> plonge dans des territoires \u00e9motionnels et narratifs riches, Corbet nous rappelle constamment qu\u2019il s\u2019agit \u00e9galement d\u2019un film d\u2019art ambitieux. Les g\u00e9n\u00e9riques d\u2019ouverture aust\u00e8res rappellent le style visuel de T\u00e1r<\/em>. Divis\u00e9 en chapitres aux titres \u00e9vocateurs comme \u00ab L\u2019\u00e9nigme de l\u2019arriv\u00e9e \u00bb, le film comprend m\u00eame une entracte de 15 minutes accompagn\u00e9e d\u2019un solo de piano moderniste.<\/p>\n La premi\u00e8re moiti\u00e9 de l\u2019histoire ressemble \u00e0 un conte de triomphe. On apprend que L\u00e1szl\u00f3 \u00e9tait un architecte brutaliste de renom en Hongrie, influenc\u00e9 par l\u2019\u00e9cole du Bauhaus. Ses structures en b\u00e9ton audacieuses \u00e9taient destin\u00e9es \u00e0 durer, et c\u2019est exactement ce que Van Buren d\u00e9sire : un auditorium, un gymnase, une biblioth\u00e8que et une chapelle combin\u00e9s, faits de b\u00e9ton et de marbre italien, pour cr\u00e9er un monument luxueux dans la ville de Doylestown, en Pennsylvanie. Avec un co\u00fbt de 850 000 dollars, une telle somme dans les ann\u00e9es 1950 \u00e9quivalait \u00e0 un budget royal.<\/p>\n <\/p>\nAu carrefour de l\u2019architecture et de la destruction<\/h3>\n
Un nez cass\u00e9, une sc\u00e8ne de sexe brutale et une promesse d\u2019avenir<\/h3>\n
Une alliance au-del\u00e0 des affaires<\/h3>\n