{"id":82142,"date":"2024-02-03T21:14:34","date_gmt":"2024-02-03T20:14:34","guid":{"rendered":"https:\/\/thegeek.site\/?p=82142"},"modified":"2024-02-03T21:14:34","modified_gmt":"2024-02-03T20:14:34","slug":"expatries-les-couches-multiples-disolement-et-de-connexion-avec-nicole-kidman","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/thegeek.site\/2024\/02\/03\/expatries-les-couches-multiples-disolement-et-de-connexion-avec-nicole-kidman\/","title":{"rendered":"Expatri\u00e9s – Les couches multiples d’isolement et de connexion avec Nicole Kidman"},"content":{"rendered":"
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R\u00e9alis\u00e9e par Lulu Wang, “Expatri\u00e9s” captive le public avec son atmosph\u00e8re profonde et ses sc\u00e8nes prolong\u00e9es. Couvrant un large spectre, la s\u00e9rie se distingue par ses audacieuses entreprises, pr\u00e9sentant une richesse visuelle et th\u00e9matique unique. De la maternit\u00e9 aux questions d’identit\u00e9 f\u00e9minine, des sentiments de solitude et de deuil, \u00e0 une analyse des privil\u00e8ges et des circonstances souvent ali\u00e9nantes des immigrants, elle couvre un large \u00e9ventail de sujets. Pourtant, elle ne s’arr\u00eate pas l\u00e0 : “Expatri\u00e9s” cherche \u00e9galement \u00e0 r\u00e9pondre si les individus, en particulier les femmes, peuvent traiter et surmonter leurs trag\u00e9dies tout en examinant les agonies de l’existence humaine, une entreprise pas mince en port\u00e9e.<\/p>\n
Le succ\u00e8s pr\u00e9c\u00e9dent de Wang, le film “The Farewell”, d\u00e9noue \u00e9galement le complexe r\u00e9seau de liens familiaux, de foss\u00e9s culturels et g\u00e9ographiques. Cependant, cette fois, il semble qu’elle pr\u00e9sente six “Adieux” \u00e0 la fois, cumulativement \u00e9tendus sur six heures \u2013 et bien que les productions t\u00e9l\u00e9visuelles soient souvent difficiles \u00e0 comparer aux films, cette approche est enti\u00e8rement appropri\u00e9e ici. Malgr\u00e9 sa narration \u00e9tendue \u2013 qui parfois pose des d\u00e9fis \u2013 “Expatri\u00e9s” maintient constamment l’int\u00e9r\u00eat et incite \u00e0 une profonde r\u00e9flexion. Elle invite les spectateurs \u00e0 ouvrir leur c\u0153ur et leur esprit aux personnages alors qu’ils naviguent \u00e0 travers les diverses couches \u00e9motionnelles de la s\u00e9rie. L’histoire, bas\u00e9e sur le roman de Janice Y.K. Lee de 2016 “Les Expatri\u00e9es”, offre une narrative profond\u00e9ment tiss\u00e9e suivant la vie de trois femmes vivant \u00e0 Hong Kong, chacune se sentant \u00e9trang\u00e8re dans sa propre vie, luttant avec les cons\u00e9quences de trag\u00e9dies personnelles alors qu’elles cherchent \u00e0 se red\u00e9couvrir et \u00e0 trouver leur place dans le monde.<\/p>\n
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La repr\u00e9sentation de Margaret par Nicole Kidman se situe au c\u0153ur douloureux de l’histoire. Cette m\u00e8re de trois enfants, qui a laiss\u00e9 sa carri\u00e8re d’architecte pour d\u00e9m\u00e9nager \u00e0 travers le monde pour le travail de son mari, vit un deuil profond apr\u00e8s la perte de leur plus jeune enfant, Gust. Cette perte la plonge dans un \u00e9tat de choc, constamment hant\u00e9e par le spectre de la perte, vacillant au bord de l’effondrement \u00e9motionnel. N\u00e9anmoins, elle trouve un certain r\u00e9confort aupr\u00e8s de son mari, Clarke (Brian Tee), et dans l’environnement luxueux qui offre un l\u00e9ger r\u00e9confort au milieu de sa douleur. Sa voisine et proche amie, Hilary Starr (Sarayu Blue), vit \u00e9galement dans cet environnement privil\u00e9gi\u00e9, bien que, malgr\u00e9 leur aide domestique, elles ne puissent jamais devenir de v\u00e9ritables membres de la famille.<\/p>\n
La situation d’Hilary est presque l’oppos\u00e9e ; elle ne d\u00e9sire pas d’enfant \u2013 peut-\u00eatre en raison de probl\u00e8mes li\u00e9s \u00e0 l’infertilit\u00e9 ? \u2013 et lutte contre les attentes impos\u00e9es par sa m\u00e8re dominatrice (l’excellente Sudha Bhuchar) et son mari infid\u00e8le et alcoolique, David (Jack Huston).<\/p>\n
Le troisi\u00e8me membre du trio, la nettement plus jeune Mercy (Ji-young Yoo), est une femme cor\u00e9ano-am\u00e9ricaine rebelle mais solitaire de 24 ans, fra\u00eechement sortie de Columbia, \u00e0 la recherche d’un nouveau d\u00e9part sans \u00eatre pleinement consciente de ses propres objectifs et identit\u00e9. La trag\u00e9die qui les lie sape \u00e9galement les fondations de ces identit\u00e9s fragiles.<\/p>\n
Les relations entre les trois femmes semblent parfois artificielles, comme si elles \u00e9taient directement extraites des pages d’un roman \u2013 mais cela est caract\u00e9ristique du mat\u00e9riel source, donc non imputable \u00e0 Wang ou \u00e0 son \u00e9quipe de r\u00e9daction. “Expatri\u00e9s” se d\u00e9ploie comme une all\u00e9e de souvenirs dens\u00e9ment pulsante du point de vue d’un individu luttant contre un traumatisme continu. L’intrigue, centr\u00e9e sur le personnage de Kidman, Margaret, commence un an apr\u00e8s la disparition de son enfant, puis prend un tournant inattendu pour revenir aux \u00e9v\u00e9nements du deuxi\u00e8me \u00e9pisode.<\/p>\n
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Cet \u00e9pisode r\u00e9v\u00e8le que Mercy, sur le pont d’une croisi\u00e8re de luxe, rencontre accidentellement Margaret et postule plus tard pour un emploi d’au pair, finissant par perdre Gust dans un march\u00e9 nocturne de Hong Kong lors d’un d\u00eener d’essai. Un bref moment de distraction, en regardant son t\u00e9l\u00e9phone, suffit pour que le gar\u00e7on disparaisse sans laisser de trace. Suite \u00e0 cela, Margaret s’effondre, faisant face \u00e0 des crises hyst\u00e9riques alors que son monde s’\u00e9croule autour d’elle. Pendant ce temps, le mari d’Hilary, David, qui ment sur son emplacement \u00e0 la police parce qu’il buvait, devient temporairement suspect. Cette r\u00e9alisation change fondamentalement la relation d’Hilary avec lui, et “Expatri\u00e9s” nous emm\u00e8ne essentiellement dans cette nuit o\u00f9 la disparition d’un jeune gar\u00e7on change fondamentalement la vie de chaque personnage.<\/p>\n
La force de la r\u00e9alisation de Wang dans “Expatri\u00e9s” brille le plus lorsqu’elle d\u00e9peint ses protagonistes comme des individus ayant perdu leur place dans le monde, errant dans les rues anim\u00e9es de Hong Kong, isol\u00e9s \u00e9motionnellement, seuls, esp\u00e9rant trouver une connexion avec quelqu’un. Avec un \u0153il aiguis\u00e9 pour les vies int\u00e9rieures des femmes et une gestion habile du r\u00e9cit contemplatif et non lin\u00e9aire, Wang excelle v\u00e9ritablement lorsque “Expatri\u00e9s\u201d permet une implication \u00e9motionnelle du public, notamment dans ses sc\u00e8nes plus calmes. Pr\u00e9sentant la trag\u00e9die sous trois perspectives diff\u00e9rentes, Wang entrelace habilement les souvenirs et les exp\u00e9riences des personnages, cr\u00e9ant une histoire \u00e9mouvante et convaincante.<\/p>\n
La musique douce-am\u00e8re et m\u00e9lancolique d’Alex Weston et la cin\u00e9matographie caract\u00e9ristique, faiblement \u00e9clair\u00e9e et atmosph\u00e9rique d’Anna Franquesa-Solano capturent parfaitement l’ambiance unique de Wong Kar-Wai et de son fid\u00e8le directeur de la photographie, Christopher Doyle, nourrie par un sens de la vie et impr\u00e9gn\u00e9e de lumi\u00e8res au n\u00e9on. Un sous-intrigue fait m\u00eame une r\u00e9f\u00e9rence directe \u00e0 eux, ce qui pourrait sembler inutile, mais est int\u00e9gr\u00e9 si subtilement que la plupart ne le remarqueront pas.<\/p>\n
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\u00c0 mesure que l’histoire se d\u00e9roule et que “Expatri\u00e9s” confronte une narrative complexe et ramifi\u00e9e, l’humeur auparavant vive passe occasionnellement \u00e0 un rythme plus lent \u2013 sans surprise, \u00e9tant donn\u00e9 que les \u00e9pisodes les plus captivants sont ceux \u00e9crits par Wang elle-m\u00eame.<\/p>\n
Le cinqui\u00e8me \u00e9pisode, “Central”, est une cr\u00e9ation sp\u00e9ciale de 95 minutes de Wang, pr\u00e9sent\u00e9e presque comme un film ind\u00e9pendant, et a \u00e9t\u00e9 introduit comme tel au Festival International du Film de Toronto. Cette partie est \u00e0 la fois impressionnante et controvers\u00e9e. Ici, Wang attire l’attention non seulement sur les styles de vie entour\u00e9s de richesse et de privil\u00e8ge mais aussi sur la reconnaissance des personnes qui sous-tendent ce monde luxueux. Les aides domestiques et les femmes des strates sociales inf\u00e9rieures, indispensables \u00e0 la vie quotidienne des ais\u00e9s mais souvent cach\u00e9es dans leur travail et leur existence.<\/p>\n
Les employ\u00e9es de maison de Margaret et Hilary, Essie (Ruby Ruiz) et Puri (Amelyn Pardenilla) \u2013 toutes deux livrant des performances remarquables \u2013 ainsi que d’autres personnages en marge de l’histoire, re\u00e7oivent leurs propres \u00e9pisodes. Ce segment articule une critique audacieuse de la situation complexe des travailleurs domestiques, comment les fronti\u00e8res personnelles et de service se brouillent, et les manipulations auxquelles ils peuvent faire face en devenant \u00e9motionnellement impliqu\u00e9s dans la vie de leurs employeurs \u2013 comme s’ils faisaient partie de la famille, tout en restant dans un r\u00f4le subordonn\u00e9.<\/p>\n
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Par exemple, Essie entretient une relation compliqu\u00e9e avec Margaret car ses enfants l’aiment essentiellement plus, et Margaret ressent cela. Comme de nombreuses aides dans des situations similaires, elle est semblable \u00e0 une grand-m\u00e8re ou une tante mais ne l’est pas r\u00e9ellement. Puri passe une soir\u00e9e magique avec Hilary – triste et seule, manquant son mari – o\u00f9 elles sont vues, reconnues et soudainement trait\u00e9es comme des amies. Mais lorsque Hilary se r\u00e9veille avec une gueule de bois, il devient clair que la g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 soudaine de la nuit pr\u00e9c\u00e9dente n’\u00e9tait qu’un sous-produit de l’alcool \u2013 un r\u00e9ordonnancement brutal des dynamiques de pouvoir, comme un r\u00e9veil brutal. Finalement, elles sont l’aide, et leurs employeurs ne les remarquent que lorsque leur propre vie est en chaos ou qu’ils s’apitoient sur leur sort.<\/p>\n
Cet \u00e9pisode est bien \u00e9crit, bien intentionn\u00e9 et profond\u00e9ment unique, mais incontestablement, il repr\u00e9sente un d\u00e9tour soudain du r\u00e9cit principal, apparaissant ainsi comme auto-indulgent car il n’avance pas l’histoire. Plut\u00f4t, il sert de pause int\u00e9ressante, un point tournant et une diversion. Malgr\u00e9 la mise en lumi\u00e8re des d\u00e9s\u00e9quilibres de pouvoir et comment les personnages principaux sont prot\u00e9g\u00e9s des vraies luttes, il cast \u00e9galement malheureusement les personnages avec lesquels nous sommes encourag\u00e9s \u00e0 empathiser sous une lumi\u00e8re profond\u00e9ment d\u00e9favorable.<\/p>\n
L’\u00e9pisode souligne comment ces aides mettent de c\u00f4t\u00e9 leur propre vie et famille pour s’occuper des autres, mettant en \u00e9vidence le comportement \u00e9pouvantable et \u00e9go\u00efste de leurs employeurs. Et bien que le cinqui\u00e8me \u00e9pisode soit excellent en soi, il n’est pas surprenant que ce soit le point o\u00f9 “Expatri\u00e9s” commence \u00e0 faiblir. L’audace de Wang de prendre cette direction dans l’avant-dernier \u00e9pisode de la s\u00e9rie est discutable quant \u00e0 savoir si cela sert la fondation de l’histoire enti\u00e8re, qui demandait notre empathie envers la situation des femmes. De mani\u00e8re discutable, cette diversion artistique se retourne contre l’impact global de “Expatri\u00e9s” (et la d\u00e9cision de donner de l’espace \u00e0 quelques autres personnages peu connus dans l’histoire semble discutable).<\/p>\n
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